L’R de Rien at Lambert Gallery













L'R de Rien.

Quand Sébastien Delvaux m'a demandé d'écrire le communiqué de presse de sa première exposition personnelle, j'ai d'abord hésité car c'est un ami de longue date et que je ne suis pas critique d' art. 
Alors qu'en dira-t-on ? 
1.Que Seb n'a trouvé personne pour écrire son communiqué ? 2.Que sa galeriste est incompétente ? 3.Que ce n'est pas mon métier ?
Mais sus aux serpents qui sifflent sur nos têtes ! Si Sébastien m'a fait cet honneur c'est simplement parce qu'on est proche, que je l'ai vu évoluer pendant ces quinze dernières années et qu'il préfère avoir un texte moins convenu que si il avait été écrit par un critique payé au caractère pour ressasser ses cours d' histoire de l'art et accumuler les références au minimalisme. 

Donc oui, Sébastien a commencé par perdre son temps à l'académie des beaux-arts en appliquant de la peinture à l' huile sur des toiles pour produire des croûtes. Mais comme il a de l'esprit, il a très vite eu le bon goût d' arrêter pour chiffonner des toiles qu'il plongeait dans de la peinture.Mais comme je préfère éviter l'ennui, je passe le nombre des erreurs et remises en question qui font la progression de l' artiste entre chemin d' alchimie frustrant et parcours du combattant découragé.L' erreur est fondatrice et constructive mais se greffe toujours sur quelque chose qui semble immuable et existe dès les premiers instants de la vie. Une sensibilité qui va définir à la fois les affinités artistiques et les expérimentations à venir. Cette chose qui fait que même avant de connaître et comprendre le minimalisme, Sébastien était déjà minimaliste. Il s' est juste trouvé une famille en s 'extirpant de l'ignorance.
Le minimalisme est une prise de position. C'est le choix de la stricte nécessité. C' est le rejet du superflu. 
C'est un art qui ne prend que le parti de son idée et résiste à toute expression subjective.
Les 'minimalistes comportementaux'( ou : personnes souffrant de lucidité aiguë )  sont des gens qui restent en retrait, observent à distance, jugent en silence  et remettent en question toute la légitimité du 'faire', de l'acte et des comportements qui créent du vent en se persuadant de créer de la vie, ou consistent à perdre du temps en prétendant gagner de l'expérience.
Je ne pense pas m'avancer trop dangereusement en affirmant que Sébastien Delvaux fait partie de ce genre et que le courant artistique minimaliste est, de ce fait, devenu assez tôt un terrain de recherche de soi au-delà du désir de faire perdurer le mouvement, parce que le mouvement c'est encore du vent....Alors, cette même logique pousse l'être qui s'engage dans cette voie toujours un peu plus loin vers l'attrait du vide. Comme pour tirer un plaisir pervers du vertige, naît du mariage entre attirance et répulsion. Le vide c'est ce néant porté par un objet qui semble n'être plus que la queue de la comète d'un processus de pensée. Un processus qui se joue de sa propre matière : l'R de Rien. 
      
Maintenant, accordons à cette exposition un temps de silence entre deux mesures de dissonance sociale :
Quand on regarde le présentoir blanc, vitré, feutré, fabriqué avec soin et méticulosité, on voit un objet qui n' existe jamais pour lui-même. Il est en retrait. Il n' est là que pour présenter d' autres objets dont les valeurs lui sont supérieures. Mais celui-ci est vide. Pour reprendre la formule du Bauhaus : "la fonction fait l'objet". Ici, l'objet fait l' oeuvre. La fonction fait donc l'oeuvre. Mais la fonction est en suspens et sans conséquence. L' objet est défonctionnalisé. La fonction se fait vaine.

Alors, on se tourne vers ce socle inversé et dont seul l'intérieur a été peint en blanc, comme une invitation à y plonger le regard. Le socle a été, lui aussi, démis de sa fonction au point d'y perdre le blanc consensuel des parois extérieures, servant à sacraliser une oeuvre d'art. L' objet inversé devient  un simple contenant et la sacralisation s'applique au vide créé par le socle même.

Enfin, on se dirige vers une affiche blanche collée sur le mur blanc de la galerie. Une affiche qui ne dit rien, n'a rien à vendre ou proclamer. Une affiche qui n'est là que pour elle-même et dont la simple présence nous renvoie à un seul postulat consistant à reprendre l'histoire au début : considérons qu'il ne s'est rien passé et qu'on se situe au moment où rien n' a été dit ou fait. A cet instant ou rien n'existe encore, ni la maîtrise du langage, ni même l'idée d'une société , là où il n'est pas encore possible de s'encombrer de toute cette superfluité et de la confondre avec la puissance infinie qui signe l'origine de chaque être humain...

     
                                                                                                   Laurent Jourquin